Marie-Ange Barbet


Marie-Ange Barbet

Le geste est éphémère, il ne vit que le temps du présent. Quand, dans le prolongement du bras, entre les doigts, le fusain est tenu le geste fait trace. Mais trace de quoi ? Certainement pas du réel, il est insaisissable, et tout regard sur le réel est relatif. L’image qui va rester s’apparente plus à l’écho qui coure et se bouscule lui-même au fond des vallées.

Ce que Marie-Ange Barbet dépose avec frénésie sur la feuille c’est l’écho de cet éphémère qui percute les pans de son histoire. Car on ne peut voir que ce que l’on connaît déjà, que l’on re-connaît du déjà-vu, nous sommes aveugle à l’inconnu. Pour regarder Marie-Ange a dû garder, sédimenter les premières impressions qui lui permettent de re-garder maintenant et faire résonance. Cette exposition, comme une première empreinte pour ceux qui n’ont jamais vu son travail, devient alors un commencement d’alphabétisation à son langage, une ouverture dans laquelle se glissera l’écho qui va vibrer en vous.

A voir travailler Marie-Ange on pense immédiatement à l’écriture automatique possible dans la transe hypnotique ou la folie, il n’en est rien, c’est plus une mise en vibration comme un verre de cristal proche d’un instrument de musique qui ne peut éviter de laisser échapper l’écho de ce qui l’irradie. Elle tente de saisir l’indicible qui la traverse et qu’elle reconnaît fugitivement. Sa concentration est intense comme si ce qu’elle ressentait allait à chaque souffle lui échapper. Elle se jette dans son geste comme dans un corps à corps d’où elle ressort avec plus de poudre noire que la surface touchée. Je ne serais pas surpris qu’un jour elle ne tente d’écrire avec tout son corps à même la feuille. La résonance sera alors complète son corps livrera son histoiremêlée à l’intrusion de l’éphémère.

On découvre des hommes comme des femmes gravides, des corps qui coulent comme les torrents qui cherchent leur chemin de chute vers la mer, des membres qui interrogent ou invitent à l’étreinte. Ces impressions ainsi notées seront plus tard replongées dans une sorte de brouillard comme pour les conserver plus sûrement au creux de la mémoire prêtes à resurgir quand la rencontre fait écho par le regard du visiteur.

François PAUL-CAVALLIER Février 2001