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La puissance à fleur de peau

Valérie Le Signor peint comme une femme saisit le brin de son plaisir fragile, réminiscent et fugitif. La sensibilité ruisselle au creux des sillons tel un filet de liquide attiré dans la faille par la déclivité. L’œuvre se construit par touches incertaines et justes, les pétales de peinture se déposent et s’assemblent par couches de pulsions que le sèche-cheveux fixe sur la surface flexible. Le temps palpite, la vie scintille, l’artiste s’abat sur la surface. Valérie Le Signor semble en transe happée par une jouissance sans complaisance où la rigueur du sensible impose une vérité charnelle qui s’empare du subtil de l’instant. Le geste ne connaît pas le hasard, le léger poids d’un reflet vient signifier une caresse, parfois brutale de la lumière sur un corps ou sur le ressac incessant de l’océan contre les roches. Alors ne soyez pas surpris de goûter le sel sur vos lèvres entrouvertes, d’être transi par les embruns. Sa palette sensorielle n’est pas trouble ni ambiguë mais volatile telles des substances éthérées que le souffle d’une parole trop précise pourrait dissiper et perdre à tout jamais.

Pour Valérie, le pinceau n’est pas le prolongement de la main mais l’outil du regard avec lequel elle harponne les sensations qu’elle ressent. Cette œuvre puissante est à l’opposé de l’intellectuel ou du narratif, elle ne raconte rien, elle vous plonge dans un paradoxe sensible, une immersion sensorielle. Comme le chant des sirènes, il est la tentation de s’enfoncer plus avant dans une profondeur incompatible avec le réel.

François PAUL-CAVALLIER

22/06/04