Une place pour le silence


Une place pour le silence

"Vivre c’est perdre" voilà une phrase qui demande à être bien comprise pour ne pas entrer dans la désespérance. Chaque nouvelle phase de la vie demande de se séparer des habitudes et des liens de l’étape précédente pour accéder à un nouvel état. Entre chacun de ces temps de croissance se place un moment de deuil qui articule et ajuste le passé au présent, en préparant le futur. On peut l’assimiler aux tuiles sur un toit qui se chevauchent. Attention de ne pas prendre une tuile sur la tête !

En musique ce temps d’espace et de réorientation s’appelle un silence. Mais qu’est-ce que le silence ? Le silence existe-il ? Si on prend les définitions du langage courant le silence c’est l’absence de bruits, dans la conversation c’est l’absence de mots (maux). Une définition ancienne de la santé était le silence des organes. Le silence serait-il simplement une absence ?

Le silence comme le désert est habité par l’essentiel. Peut-être que Dieu guette sa créature dans le silence et au désert. La turbulence du monde nous pousse vers ces temps de creux, de vide nécessaire pour donner de l’espace à une mobilité de vie intérieure. Le silence, désert des sons devient le jeu indispensable à l’organisation des différents plans qui nous constituent : le corporel, le psychologique et le spirituel. Le mot jeu n’a pas que le sens ludique et théâtral, il s’agit aussi de l’espace laissé libre en mécanique entre deux pièces mobiles pour que ça tourne juste. Trop de jeu, c’est la dislocation (perdre sa place), pas assez et alors ça coince puis casse. Trop de silence c’est l’autisme, pas assez c’est l’étouffement, le gavage, l’envahissement. "Hôpital silence", il fait partie du soin et participe à la reconstruction. "Silence on tourne" il devient choix des sons congruents avec l’image. "Silence on tue !" ou "Passé sous silence", c’est la passivité de l’homme qui ne prend pas sa place dans la société pour arrêter le massacre qu’il connaît et feint de ne pas voir.

Mais le silence existe-il ? Dans le soupir musical il dit beaucoup par la rupture qu’il apporte. Watzlawick dit qu’on ne peut pas ne pas communiquer. Tout comportement est manifestation de l’être. Tentez l’expérience tout de suite. Fermez les yeux, isolez-vous temporairement du monde qui vous entoure et écoutez. Un dialogue s’établit en vous entre des "sous-personnalités" qui vous habitent ; certaines disent : "il faut…", d’autres : "j’ai envie…", une autre : " je pense…". Laissez les terminer leur débat pour établir le silence. Si elles persistent faites-les taire, renvoyez la discussion à plus tard. Alors, écoutez encore… le silence n’existe pas…Il vous parle.