Séductions : du jeu à l’emprise


Séductions : du jeu à l’emprise

Les relations humaines à tous les âges de la vie ont en commun les mêmes ingrédients. Pour que deux êtres soient en relation il faut un stimulus qui vienne de l’émetteur suivit d’une réponse en retour du récepteur. Les règles de la communication sont ainsi faites que nous savons aujourd’hui qu’on ne peut pas ne pas communiquer ; celui qui ne dit rien dit quelque chose avec son silence. En somme rien ne se perd, tout fait trace. Ne pas donner de réponse à un stimulus est aussi signifiant que d’en donner une indifféremment de sa nature. Partant de ces faits ainsi posés, nous pouvons affirmer que dès lors que l’on est en relation "on ne peut pas ne pas influencer" car toute réponse, ou non réponse, donnée à un stimulus orientera la suite de la relation et le stimulus suivant. Lorsqu’une demande est formulée d’une personne vers une autre, le choix de la réponse en "oui" ou en "non" décide de la suite de la relation. Généralement quand la réponse est oui, la communication suit son cours à contrario quand survient une réponse négative la relation est interrompue puis réorganisée pour trouver un nouveau cheminement. Ce mode de communication relationnel transparent ou "au grand jour" ne pose pas de problème, chacun exprimant clairement son besoin et régulant avec l’autre pour obtenir un niveau suffisant de satisfaction de ses besoins. Mais dès qu’il y aura du sous-entendu c’est-à-dire un besoin caché et non clairement formulé, nous verrons apparaître des manœuvres dont la séduction fait partie, pour obtenir le résultat que nous souhaitons sans avoir à prendre le risque d’essuyer un refus. La séduction s’opère en tenue camouflée afin d’approcher au plus près du besoin de l’autre sans être repéré ; là se met en place l’accroche qui permettra "d’hameçonner" la proie comme un vulgaire poisson.

La séduction consiste à susciter (faire naître) chez l’autre, le séduit, un désir qui correspond à la satisfaction du besoin du séducteur. L’objet de la manœuvre de séduction importe moins que la démarche qui installe dans l’esprit du séduit, un désir qui n’est pas le sien mais qu’il peut être amené à prendre pour un désir propre. La séduction s’appuie souvent sur la mise en avant des meilleurs aspects de l’objectif avec parallèlement une minoration ou l’escamotage pur et simple des désavantages. Parfois aussi l’objectif de la séduction correspond tant avec les besoins du séduit que du séducteur, c’est alors la rencontre et il font affaire ensemble. Mais si l’on a chacun des besoin complémentaires pourquoi ne pas les afficher au grand jour ? Le plus souvent cela a trait à des problématiques psychologiques qui ne sont pas toujours conscientes, elles viennent de notre histoire et de l’histoire de notre famille, dans laquelle il est important de maintenir une cohérence pour se sentir appartenir. Imaginons un monde où chacun porterait une pancarte sur laquelle serait inscrit "en clair" des objectifs inconscients ou habituellement cachés. Une fille de mère battue, en âge de se marier aurait inscrit : "Cherche mari alcoolique ou brutal pour former couple comme celui de mes parents" Les candidats portants pancartes avec : "Bourreau cherche victime consentante" n’auraient plus qu’à postuler pour le poste. Un tel monde n’aurait plus besoin de la séduction, la transparence rend la séduction inopérante.

Dans la séduction sexuelle de deux adultes consentants, on peut imaginer que personne n’est dupe, l’enjeu se passe le plus souvent au grand jour et la captation réciproque rencontre un consentement partagé. Mais les personnes n’ont jamais la même histoire, certaines blessures pourront rendre vulnérable car il y aura un manque évident que le séducteur pourra exploiter pour exercer son emprise. Ainsi chaque fois qu’il y a une grande différence entre des êtres pris dans la séduction, le danger qu’il y ait de l’emprise d’un côté comme de l’autre, est présent . Les différences peuvent concerner le milieu social, l’âge, les finances, les connaissances, la hiérarchie etc. Quand un adulte séduit un enfant l’abus est patent, la loi ne s’y est pas trompée en ajoutant des charges aggravantes si l’adulte a rôle éducatif ou parental à l’égard de l’enfant. Il s’agit d’un véritable détournement de la richesse relationnelle et éducative au profit de la satisfaction des seuls besoins du séducteur. C’est une corruption au même titre qu’un élu qui détourne les deniers publics à son profit. La séduction quand elle n’est pas réciproquement identifiée aboutit le plus souvent à l’abus de pouvoir.

Il n’existe pas de bonne séduction, "séduire pour la bonne cause" est un leurre c’est l’utilisation abusive d’un ascendant, d’un charisme sur quelqu’un qui vit un manque. Le séduit ne se dirige pas vers l’autonomie mais plutôt vers la dépendance envers son séducteur. Les phénomènes sectaires font toujours usage de la séduction pour établir leur emprise. J’ai eu à plusieurs reprises l’occasion de développer ces thèmes à l’occasion d’émissions de radio ou de conférences. L’auditoire était fréquemment très surpris de découvrir que l’emprise par le moyen de la séduction aboutissant à un pouvoir sectaire (comme dans une secte) pouvait se glisser dans la famille, la paroisse, les associations et que chacun d’entre nous pouvait contribuer à son établissement.

F. Paul-Cavallier, psychothérapeute-formateur auteur de : Visualisation des images pour agir, InterEditions 1989, Paris. http://www.dunod.com/pages/ouvrages/ficheouvrage.asp ?id=46994