Nicolas Bernière


Nicolas Bernière

Entrer chez Nicolas Bernière c’est plonger dans un antre sous-marin par les sujets, bien sûr, mais surtout par la sensation d’immersion qui vous envahie. Le désordre n’est pas pire que chez la plupart des artistes mais l’émotion est là présente à tous les recoins de toile ou de fusain. Comme si Nicolas était constamment étiré, tiraillé par des polarités affectives opposées. L’oxymoron vous guette comme pour vous asséner une fatale surprise. Les fées sont affalées dans de somptueuses robes d’apparat, les géants sont blessés, les chef-d’œuvres de Christian Lacroix sont peints avec une extraordinaire profusion de détails pour se retrouver morcelés. Même le psy est nu exhibant les attributs du conflit de l’angoisse masculine ! Nicolas se joue de nous, et peut être de lui-même à moins que cela soit à son insu. Au premier regard tout semble planter de manière immuable, on s’y laisse prendre comme si cet équilibre fugitif pouvait être du bonheur installé pour longtemps. Le parcours visuel vous entraîne dans la croyance de la facilité évidente quand soudain un indice vous révèle que vous êtes "hameçonné" comme un vulgaire gardon. La fée n’a pas la tonicité suffisante pour œuvrer de sa baguette, un serpent reste pour le moment enroulé prêt à bondir. Les portraits de femmes belles et sensibles vous entraînent sur le registre de l’intime, Nicolas nous laisse croire que nous les connaissons depuis longtemps, quelles sont consentantes à notre compagnie, j’ai failli dire commerce, au moindre geste tenté vers elles on découvre qu’elles sont ailleurs, ou déjà prise par un autre. Offrandes insaisissables elles nous disent que le mystère de la vie durera le temps de l’éternité et que le désir ne donne droit à rien s’il n’est pas partagé. Mais la maîtrise sensible de l’instant est une œuvre laborieuse de fidélité à laquelle Nicolas tient comme à un bien précieux peut être pour lui avoir jadis manqué. Une volonté secrète de ne pas déserter le champ de bataille, qu’est la toile, sans avoir tiré ses ultimes cartouches font de chaque œuvre un acte héroïque singulier. A n’en pas douter Nicolas Bernière a de nombreux combats en perspective, les connaît-il seulement ? Ce qui est sur ces les armes sont dans ses mains pour dompter les monstres et les démons qu’il côtoie.

François PAUL-CAVALLIER Décembre 2002

www.nicolasberniere.com/